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Henri Goldman

Après trois ans d'absence, je reviens sur la toile avec le blog cosmopolite.

C’est un blog généraliste. Il est donc susceptible de parler de tout. Mais à partir d’un point de vue particulier. Je m’exprime depuis un lieu géographique précis (Bruxelles, Belgique), depuis une position sociale (petite classe moyenne intellectuelle), à partir d’une trajectoire familiale singulière (parents issus de l’immigration juive polonaise et rescapés du judéocide) et à l’intérieur d’un univers culturel structuré par la langue française et principalement nourri par ce qui s’écrit dans cette langue.

J’aime écrire. Ça m’aide à penser. Passionné par les questions politiques – toutes celles qui découlent du simple fait que les êtres humains vivent en société –, j’essaie de les aborder avec honnêteté. Je le sais, mes perceptions sont forcément partielles et mes réfléxions en seront affectées. Mais j’espère échapper à cette prétention si fréquente chez les intellectuels de genre masculin qui consiste à pérorer sur le monde à partir de son fauteuil.

On s’en rendra compte, certains sujets me sont plus familiers que d’autres. Je les aborderai à travers deux filtres.

Le premier : je suis de gauche. Ce n’est qu’une étiquette, pas un label de vertu, mais elle fait sens pour moi. Si je m’en réclame, c’est par fidélité à une histoire séculaire, celle de l’émancipation du genre humain – des esclaves face à leurs maîtres, des peuples opprimés face aux colonialistes, des travailleurs face aux capitalistes – et par engagement radical en faveur de l’égalité, en droit et en dignité, de tous et toutes. Cette gauche est en chantier permanent. Dans sa version soviétique ou chinoise, elle a sombré dans le crime et le mensonge. Dans sa version social-démocrate, elle a servi de béquille au capitalisme et a accompagné les conquêtes coloniales et le pillage du Tiers-Monde, mais on lui doit cet acquis merveilleux et fragile de la sécurité sociale. Dans sa version écologiste, elle doit encore démontrer sa capacité à articuler la justice sociale et la justice environnementale.

Cette gauche est en chantier permanent.
Dans sa version soviétique ou chinoise, elle a sombré dans le crime et le mensonge…

Le deuxième : je suis un Juif cosmopolite. C’est la troisième manière, la moins évidente, d’être fidèle à ses racines, à côté du Juif religieux et du Juif nationaliste. Le Juif cosmopolite marche sur une crête où l’histoire bascule. Il ne s’identifie à aucun groupe national, et donc pas non plus à celui dont il est issu ni à celui dans lequel il se retrouve immergé. Il n’a pas de double allégeance politique et, à la limite, il n’en aurait plutôt aucune. Il a été longtemps, pour cette raison, considéré par les nationalistes comme un élément nuisible à éradiquer. Le 28 janvier 1949, La Pravda décrivait ainsi les artistes juifs soviétiques qui allaient être liquidés lors de la dernière campagne antisémite du vivant de Staline : «Des cosmopolites sans racine ni conscience, poussant sur la levure pourrie de la décadence et du formalisme bourgeois, des nationaux non indigènes qui empoisonnent avec leur puanteur notre culture prolétarienne…» On peut transposer aujourd’hui cette élégante citation au délire que suscite en France et en Flandre la peur panique du « Grand remplacement ».

C’est pourquoi je me sens bien à Bruxelles, la ville la plus cosmopolite d’Europe, où les multiples minorités qui la composent se protègent l’une l’autre et où aucune culture dominante n’a les moyens de s’imposer. Et qui, notamment pour cette raison, résiste et résistera à la montée du nationalisme identitaire qui menace partout en Europe.

La photo sous le titre, c'est Sonia, ma mère, en train d'écrire. Elle est à Lukow, Pologne, en 1936. Elle a 24 ans.