La rumeur montait : pour cause de pandémie, un gouvernement fédéral d’urgence était en train de se constituer. Il aurait associé les formations initiales de la Suédoise (Open VLD, MR, CD&V et N-VA) et les deux partis socialistes, le SP.A et le PS qui reviendrait sur son refus, martelé depuis des mois, de se retrouver dans un même gouvernement que la N-VA.
Ne soyons pas naïfs : il n’y avait pas que la pandémie. Celle-ci tombait à pic pour sortir d’une situation de blocage politique qui semblait alors totale. Le CD&V ne lâchait rien : il n’entrerait pas dans un gouvernement fédéral sans la N-VA. Le PS maintenait fermement son exclusive : pas question que les socialistes jouent les dépanneurs d’une Suédoise bis. Si aucun des deux ne cédait, on allait droit vers de nouvelles élections. Puis vint le dernier sondage Ipsos publié ce samedi (voir ci-dessous) mais dont les responsables politiques sont toujours avertis avant tout le monde. Il annonçait une bérézina pour la N-VA, désormais largement dépassée par le Vlaams Belang sur ses terres. En Wallonie, le PS maintenait ses positions, mais voyait fondre sur lui le PTB dont la croissance dans l’opinion ne se démentait pas. Bref, à part les partis « hors système » qui ne se sont jamais aussi bien portés – en Flandre, le VB et le PTB passeraient ensemble de 24,3% à 38,1% –, personne n’avait vraiment intérêt à se précipiter vers un nouveau scrutin dont les résultats prévisibles auraient rendu la Belgique encore moins gouvernable qu’aujourd’hui.

Finalement, mettant un terme aux rumeurs dans tous les sens, le PS a confirmé sa position : pas de gouvernement avec la N-VA. La lutte contre la pandémie, cause véritablement nationale, a débouché sur une autre formule : le soutien externe au gouvernement Wilmès des familles socialiste et écologiste pour un mandat limité mais « de plein exercice ». Bien joué, puisque cela revenait à composer, ne fût-ce que pour un temps, une majorité de type Vivaldi, celle qui a la préférence explicite de ces deux familles.
La bataille culturelle
Pour les gauches politiques, syndicales et associatives, cette trêve obligée sera aussi l’occasion d’une introspection stratégique. La pandémie a beau être un bâtard de la mondialisation libérale, celle-ci reste la règle du jeu dominante, y compris à gauche, où on ne s’est jamais interdit de parler de compétitivité ou de pouvoir d’achat (voir billet 5, 6 avril 2019). Ne faudrait-il pas en profiter pour reconstruire un imaginaire alternatif, redessiner les contours de la société où nous voulons vraiment vivre et conformer nos attitudes et nos actions à cette perspective ? La bataille culturelle est moins que jamais dissociable des combats sociaux.