Revenir au site

Le nouveau paysage de l'antiracisme

Henri Goldman

· BELGIQUE,EUROPE

Intersectionnalité, racisme structurel, négrophobie et islamophobie, privilège blanc, racisme d'État… L'antiracisme se peuple désormais de nouveaux mots pas toujours bien définis et, surtout, de nouveaux acteurs et de nouvelles actrices. Au risque de ringardiser un certain antiracisme consensuel qui en est toujours resté au paternalisme de "Touche pas à mon pote"…

Pour qui s'intéresse à cette cause, on a souvent du mal à suivre cette mutation qui s'est encore accélérée depuis le meurtre de George Floyd. Le paysage de l'antiracisme présente aujourd'hui une extraordinaire vitalité en même temps qu'une grande confusion. C'est pourquoi deux associations bruxelloises, l'Union des progressistes juifs de Belgique et la Maison du livre entament le jeudi 7 octobre un cycle de forums-débats [1] sur les nouveaux enjeux de l'antiracisme.

1. L’ancien antiracisme était principalement porté par des membres de la société d’accueil, qu’on retrouve majoritairement à la tête des structures traditionnelles, comme Unia, le Mrax ou la Ligue des droits humains. Le nouvel antiracisme est principalement porté par les personnes directement visées par le racisme, notamment des Noirs et des Arabes.

Certains parlent même d’un "racisme d’État" qui s’exprimerait à travers les violences policières et les contrôles au faciès. 

2. L’ancien antiracisme était "moral". Il entendait combattre des stéréotypes et des préjugés en mettant l’accent sur l’éducation et des campagnes d’opinion visant les individus. Le nouvel antiracisme est "politique". Il se focalise sur les formes concrètes et vécues du racisme et considère que les discriminations sont "structurelles", c’est-à-dire qu’elles sont inscrites dans le fonctionnement de la société, indépendamment de la volonté consciente des acteurs. Pour lui, le racisme trouve notamment sa source dans le passé colonial. Certains parlent même d’un "racisme d’État" qui s’exprimerait à travers les violences policières et les contrôles au faciès. Ce nouvel antiracisme s’adresse directement aux autorités politiques. 

3. L’ancien antiracisme se voulait universaliste et indifférencié. Il n’entrait pas dans les détails, sauf pour l’antisémitisme qui, seul, était nommé distinctement, pour des raisons historiques que tout le monde peut comprendre. Le nouvel antiracisme souhaite rompre avec l’universalisme abstrait et nommer les formes spécifiques de racisme, et notamment l’islamophobie et la négrophobie. Il est plus attentif au bagage culturel propre des populations concernées, y compris leur bagage religieux. 

4. L’ancien antiracisme abordait le racisme comme un phénomène isolé des autres formes de domination. Le nouvel antiracisme met le racisme en relation avec, notamment, la domination sociale et de la domination de genre. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité. Il considère que le racisme prolonge ici les rapports de force planétaires entre le nord et le sud.

Qu'en pensez-vous ?  Le 7 octobre [3], la salle aura largement la parole. 

broken image

[1] À la Maison du Livre, 24-28 rue de Rome, 1060 Bruxelles, à 19:45.

[2] Cette opposition est un peu caricaturale. On est bien conscient que l’"ancien" n’a pas disparu, que le "nouveau" n’est pas complètement nouveau et qu’il peut y avoir des postures intermédiaires.

[3] Et les fois suivantes : 9 décembre, 13 janvier, 3 février. Bloquez déjà les dates.