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Ne pas importer le conflit… Et pourquoi pas ?

Henri Goldman

· BELGIQUE,MONDE

Les beaux esprits nous implorent : « Surtout ne pas importer le conflit ». Et pourquoi pas ? En quoi la solidarité active avec un peuple opprimé serait-elle déplacée ? En quoi la mise en cause de ceux qui justifient cette oppression ou qui s’en lavent les mains est-elle inopportune ? La seule restriction, c’est qu’ici on n’est pas en guerre et que le conflit doit pouvoir être transposé selon les règles du débat démocratique, en respectant la paix civile et en évitant les amalgames : les Juifs d’ici, pris globalement, ne sont pas plus responsables des crimes de Netanyahou que les musulmans d’ici ne le sont des crimes du Hamas.
Tout ceci, je l’avais déjà écrit sur ce blog en novembre 2002. Rien n’a changé depuis ? Si : tout a empiré, mais c'était tellement prévisible. Relisez ces lignes, reprises telles quelles, et notamment celles de Nurit Peled : elles jettent une lumière crue sur celui qui reste envers et contre tout le principal allié de l’Europe dans la région et que Macron appelle son « cher Bibi ».

 

Flash back. En 1997, Netanyahou était déjà Premier ministre. Le 4 septembre, à 15 heures, dans le centre de Jérusalem, un attentat suicide fit exploser Smadar Elhanan, 14 ans. Sa mère, Nurit Peled, fille de l’ex-général Matti Peled, figure de proue des pacifistes israéliens, fut autrefois la condisciple de Netanyahou, alias « Bibi ». Au nom de leur ancienne amitié, « Bibi » l’appela pour lui adresser ses condoléances. Dans un long texte émouvant recueilli par le journaliste Amnon Kapeliouk pour Le Monde Diplomatique, elle raconte sa réaction : « Je lui ai dit : “Bibi, qu’as-tu fait ?”. Il a essayé de se défendre, mais en vain. Car je considère son gouvernement comme coupable, indirectement, de la mort de ma fille et de tous ceux qui ont perdu la vie dans des circonstances similaires. Sa politique est une provocation permanente contre le peuple palestinien. Elle a poussé les kamikazes à commettre ces actes terroristes odieux qui ont coûté la vie à des innocents, dont ma fille Smadar. […] Comment devrait réagir un Palestinien dont la maison a été dynamitée par les forces d’occupation ? Des milliers de maisons ont été détruites arbitrairement depuis trente ans dans les territoires occupés, sans parler des villages effacés au lendemain de la guerre de 1967. Et que devrait faire un agriculteur dont les oliviers sont arrachés pour faire place à une colonie juive ? » Et Nurit Peled ajoutait ceci : « Pour moi, en tout cas, il n’y a pas de différence entre le terroriste qui a tué ma fille et le soldat israélien qui, en plein bouclage des territoires, n’a pas laissé une Palestinienne enceinte franchir un barrage pour se rendre à l’hôpital, si bien qu’elle a finalement perdu son enfant. »

Lisez et relisez ce texte jusqu’au bout, tant il résonne de façon troublante aujourd’hui. Vous comprendrez mieux alors, si besoin est, jusqu’à quelles extrémités peut conduire le désespoir de ceux qui pensent n’avoir plus rien à perdre. Et vous saurez qui doit rendre des comptes de ce désespoir.

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Lire aussi : Terroriste toi-même (18 octobre 2023)

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Ceux qui attisent l’antisémitisme, ceux qui alimentent à plein jet la haine qui anime la jeunesse de Palestine siègent au gouvernement de « la seule démocratie du Moyen-Orient ». Leurs complices sont ceux qui, chez nous, les approuvent, se taisent en regardant leurs pieds, font le tri entre les méchants terroristes et les terroristes acceptables ou s’emberlificotent dans des postures de fausse équidistance qui, dans le meilleur des cas, renvoient dos à dos l’occupant et l’occupé pour ensuite prodiguer de sentencieux conseils de modération. « Ne pas importer le conflit », disent-ils… Et pourquoi pas ?

Photo Artem Podrez (Pexels)